Archives mensuelles : novembre 2013

Cartes 2013, l’industrie de la carte à puce « is alive and kicking »

Cartes 2013

Cartes 2013

Le salon Cartes est la grande messe des industriels de la carte à puce dans toutes ses dimensions. Pendant trois jours, il entraine une migration de l’industrie vers le fonctionnel Parc des Expositions de Villepinte à travers le joyeux chaos du RER B. Les fabricants de circuits électroniques, de cartes, d’étiquettes, de SIM, de grandes machines permettant de les construire et les assembler, des dizaines de systèmes pour sécuriser tout ce qui peut l’être. Des entreprises en provenance de partout dans le monde et en particulier d’Asie se côtoient, des méga-stands à la présence discrète sur un stand ami. Le numérique y croise réellement le digital dans son sens biométrique(1).

Isabelle Alfano, Cartes

Isabelle Alfano, Cartes

Le salon Cartes, c’est aussi une soirée de prix décernés aux entreprises du secteur, les Sesames Awards, neuf cycles de conférences (trois en parallèle chaque jour) et le World Card Summit en point d’orgue – une conférence à l’américaine, musiques technos trop fortes et vidéos sophistiquées, organisation millimétrée, rituel immuable et bien rodé. Après un bref mot d’introduction de la présidente de Cartes, Isabelle Alfano, les chiffres de l’industrie sont présentés par Eurosmart, puis viens le keynote d’une personnalité de l’industrie et enfin LE débat, certainement le seul dans l’année entre les présidents et les senior VP des grandes sociétés de l’industrie qui échangent autour de la biométrie, la carte à puce, son avenir, sa dématérialisation, la sécurité, débat qui se termine invariablement sur quelques prédictions.

Et donc Oyvind Rastad, le président d’Eurosmart a présenté les prévisions et tendances du marché. Les chiffres sont disponibles dans un communiqué de presse. Notons d’abord le rappel que les cyber-menaces sont toujours en augmentation et donc les besoins en terme de sécurité n’ont jamais été aussi élevé. La sécurité des services est bien sûr au niveau de son maillon le plus faible ; le top #25 des mots de passe choisis les plus souvent dans le monde le montrent clairement

Eurosmart prévoie la livraison de 7,2 milliards d’objets portables sécurisés pour 2013 et 7,7 en 2014. Dans ce terme « d’objets portables sécurisés », on trouve tous ce qui comporte une carte à puce quelle que soit sa forme. Carte SIM pour les mobiles, cartes de paiement (avec ou sans contact), cartes de transport, carte d’accès, passeports, cartes d’identité, permis de conduire, et un grand nombre de produit dans l’industrie automobile ou énergétique comme les compteurs Gazpar en France (11 millions d’étiquettes NFC dans les prochaines années).

Eurosmart NFC SE numbers

Eurosmart NFC SE numbers

Parmi tous ces objets portables sécurisés, il y aura près d’un milliard de cartes à puce sans contact (plus 41% entre 2012 et 2013). « Un tiers des cartes de paiement livrées en 2013 seront d’ailleurs des cartes à interface duale, qui allient les technologies contact et sans contact« . Le nombre de passeports et des différentes cartes d’identité et permis de conduire comme en France et une dizaine de pays en Europe équipés de puces continuent de progresser rapidement. En plus de toutes ses cartes, c’est 265 millions d’unités d’éléments sécurisés NFC (SIM) pour mobiles seront livrés aux opérateurs mobiles en 2013, et une prévision de 435 millions pour 2014, preuve, s’il en est du déploiement du NFC dans le monde. L’industrie va donc bien !

Ensuite le keynote « La voie vers l’innovation » présentée par Frank Bisignano, Président de First Data. Un keynote décevant par son absence de contenu et l’utilisation de la tribune pour promouvoir la société et ses produits. Dommage, il y avait certainement d’autres choses à raconter sur le sujet des technologies liées au commerce. L’année dernière, Patrick Gauthier, de Paypal, pourtant loin d’être un promoteur des technologies NFC ou des cartes avec ou sans contact, avait posé de bonnes questions et lancé un bon débat. Mais cela n’a pas été le cas cette année. Une intervention à oublier rapidement.

Et enfin, la table-ronde modérée par Alex Green, directeur de Recherche à l’IHS, avec les dirigeants de Morpho, Infineon Technologies, Giesecke & Devrient, Oberthur Technologies, NXP Semiconductors et Gemalto.

World Card Summit

World Card Summit

Trois grands thèmes débattus : Opportunités et menaces pour l’industrie de la Sécurité Digitale, Impact de la biométrie, Sécurité du Cloud et Mobilité. Le premier proche le plus proche des thèmes de ce blog autour de l’EMV, du NFC, des Secure Element, de la biométrie, du paiement mobile, de la dématérialisation de la carte. Comment l’industrie peut-elle soutenir ces nouvelles applications, de la sécurité des 50 milliards d’appareils connectés en 2025,… Le débat était lancé par des commentaires liminaires en provenance d’experts du sujet préalablement enregistrés en vidéo, dont l’auteur de ce blog autour du NFC et de l’internet des objets.

Morceaux choisisPhilippe d’Andréa, VP Exécutif, Division e-Documents, Morpho a défendu l’utilisation de la biométrie pour sécuriser un monde qui s’étend de 7 milliards d’éléments connectés par carte par an. D’autres éléments vont s’y ajouter, liés à Internet et au cloud. Il a plaidé pour que les fournisseurs d’identification sécurisée (Secure ID service provider) reste indépendant de gouvernements. A la question des conséquences sur l’industrie apportés par la dématérialisation des cartes par le mobile: « tous ces services seront complémentaires » (²). La biométrie est donc sécurisée et pratique. « On n’oublie pas ses doigts à la maison« .

Stephan Hofschen, PDG Chip Card Division, Infineon Technologies, a rappelé l’importance de la sécurité dans le monde de l’Internet des objets. sécurité qui doit être au bon niveau pour chaque objet. (aka gestion de risque – ndlr).

Axel Deininger, Senior VP, Head of Division Secure Devices, Sécurité Mobile, Giesecke & Devrient – Nous devons simplifier, nous avons besoin de normes et standards, et nous devons les mettre en œuvre. En ce qui concerne les cartes multi-application (ce qui signifie moins de cartes). Nous en entendons parler depuis 10 à 15 ans sans grands déploiements.

Didier Lamouche, PDG, Oberthur Technologies (le rookie du débat en reprenant ses mots) – Suite à une remarque d’Olivier Piou sur les raisons du développement du GSM par rapport au CDMA, a rappelé que le CDMA aussi avait permis l’émergence de champions citant Qualcomm.

Steve Owen, Senior VP Identification Sales, NXP Semiconductors, La sécurité et la confidentialité sont essentielles, en mentionnant notre «ami» maintenant basé à Moscou. La carte multi-application est elle une menace à l’environnement Mifare dans les transports ? Non, au contraire, elle est synonyme de nouvelles possibilités, de nouveaux marchés, de nouvelles coopérations.

Olivier Piou, PDG, Gemalto –  La sécurité des applications M2M est différente de la sécurité liée aux identifications personnelles des applications nouvelles. Analyse de risque et compromis suivant les données, le coût, la valeur en jeu. La sécurité est de bout-en-bout. Le GSM a gagné non pas parce que il était la meilleure technologie mais parce que l’élément sécurisé était séparé du mobile ou de l’appareil communicant. Savoir prendre du recul autour des nouvelles technologies et leurs conséquences. Lorsque nous (Gemalto) inventons la Java Card, on a dit que ça allait tuer l’industrie. Cesser de penser technologie, pense utilisateur final. Nous parlons de cartes pour le transport et de paiement et de NFC pour le mobile, mais c’est la même chose. Le NFC dans le mobile est une évolution. Beaucoup de nouveaux objets seront connectés dans le « cloud » et donc la question de leur sécurité est à prendre en compte.

Un seul véritable débat a eu lieu entre Gemalto et Morpho sur le sujet de la biométrie. Pour Olivier Piou, appuyé par Steve Owen, NXP, beaucoup de questions éthiques restent liées à la biométrie et le stockage de données centralisée des empreintes digitales est un aimant à « hackers« , modèle qualifié de « nuts« . Philippe d’Andrea a répondu que les allégations d’Olivier Piou n’étaient que « légendes urbaines« . La biométrie est beaucoup plus sûr que tous les codes PIN. A conclus en signalant qu’Apple n’utilisait la biométrie que pour plus de confort « convenience » mais que « si vous voulez voir comment se fait réellement la biométrie, il faut venir chez Morpho« .

NFC et Mobile ID

NFC et Mobile ID

« Ce ne serait pas un World Card Summit si nous ne parlions pas de la technologie NFC. » a signalé Alex Green, directeur principal de la recherche, IHS ». Didier Lamouche, Oberthur a rappelé que ce n’était pas un problème de technologie, « un modem 4G est plus complexe que le NFC« . Il y a de nombreux signes positifs mentionnant Orange Cash et les déploiements de l’infrastructure en cours. L’interopérabilité était le bon choix, mais a ralenti le déploiement effectif. Note – dans les allées du salon, les applications, technologies et services NFC s’affichaient partour et étaient présentés comme une évidence, une présence habituelle pour tous les acteurs de l’industrie – NDLR

Et pour conclure ce World Card Summit, les prédictions de chacun que vous pouvez retrouver sur la vidéo ci-dessous. Pour Olivier PIOU, Gemalto, sa prédiction tient en 2 mots : « mobile first« . Pour Didier Lamouche, Oberthur, nous passerons de l’Internet des objets à l’Internet des humains. Philippe d’ANDREA, Morpho, les prochaines années « more of the same with biometrics » et pour Axel Deininger, Giesecke & Devrient, l’arrivée d’Internet des objets personnel et la sécurité de ces objets sont les éléments-clés à venir.

Un deuxième petit regret après la keynote insipide : l’absence de parité dans les interventions et c’est un euphémisme. L’année dernière, la représentante d’American Express avait montré que cette industrie pouvait également être diverse.

En conclusion, n’en déplaise aux défenseurs du « tout cloud » et du tout en ligne principalement outre-atlantique, l’industrie de la carte à puce, du paiement par carte et par mobile, de l’identification basée sur des éléments physiques, va bien et continue à se développer partout dans le monde. Avec le déploiement d’EMV aux Etats-Unis, les révélations autour des agissements de la NSA, les menaces sur l’information privée, et l’absence criante de connectivité ubiquitaire, permanente et fiable, les solutions proposées par cette industrie ont clairement un bel avenir.

A suivre … l’année prochaine.

Pierre Métivier

Notes

  1. L’adjectif numérique est le terme correspondant en français à l’anglais digital. Le français digital, pourtant employé à longueur de journée dans les médias est un faux ami. C’est particulièrement clair dans un salon comme Cartes où la biométrie, la technologie utilisant certaines parties du corps comme identifiant uniques, est très présente. On parle par exemple de traitement numérique d’une empreinte digitale et non traitement digital d’une empreinte digitale.
  2. La dématérialisation de la carte à puce type bancaire ou transport vers le mobile, ainsi que les cartes multi-applicatives sont bien sûr de vrais sujets pour l’industrie. Plus de services dématérialisés sur mobile pourraient signifier moins de cartes et donc moins de business. La réalité est que :
    1. les applications sans contact mobile coexisteront longtemps avec les services cartes et ces derniers continueront à être fabriqués.
    2. ces sont les mêmes sociétés qui fabriques les cartes à puce qui fabriquent également les SIM nécessaires à faire fonctionner les mobiles (certes en moins grand nombres).
    3. ces mêmes sociétés se sont diversifiées et ont ajouté la fonction de TSM (Trusted services manager), une fonction indispensable aux applications sans contact nécessitant sécurité et impactant la vie privée (paiement par exemple) à leur palette. Un passage en douceur d’un business cartes physique à services dématérialisées sur mobile.

Pour aller plus loin

Note personnel

World Card Summit, PM et NFC

World Card Summit, PM et NFC

Ma première visite date de 2009 et vous trouverez sur le blog quelques comptes rendus et autres reportages photographiques. Cette régularité permet également de suivre les évolutions en terme aussi bien technologique que marché. Cette année, à titre professionnel, l’auteur de ce blog et délégué général du Forum SMSC a été très présent à travers l’animation de la journée de conférences consacrée au NFC, la participation en tant que jury des Sesames dans la catégorie Mobilité et donc en interpellant par vidéo interposée, les intervenants du World Card Summit, sur le NFC et l’internet des objets.

Le chainon manquant entre la technologie NFC et l’internet des objets est arrivé.

Le robot démo M24LR16E (c) ST

Le robot démo M24LR16E (c) ST

Les lecteurs assidus savent que deux des sujets les plus évoqués dans ce blog sont les applications et services que l’on peut créer en utilisant la technologie NFC ainsi que l’intégration des objets (et plus exactement des choses) de plus en plus connectés dans un internet permettant l’interaction des personnes, des ordinateurs et des choses sous le nom générique d’Internet des objets. Nous avons eu l’occasion plusieurs fois de lier les deux sujets, le NFC étant une des technologies de communication simple à mettre en œuvre pour une communication à courte distance entre deux objets ou un objet et un utilisateur avec son mobile.

Une des solutions pour connecter un objet est de lui adjoindre de la connectivité, des capteurs, de l’intelligence, une interface utilisateur et une source d’énergie. C’est ce qui se passe pour une voiture connectée par exemple. C’est plus difficile pour un objet de petite taille et bon marché. L’ajout de tous les éléments nécessaires augmente le prix de cet objet de façon rédhibitoire.

Pour de nombreux objets (y compris analogiques – sans aucun élément électronique), une simple étiquette NFC contenant un identifiant ou une URL lié aux éléments de contexte disponibles grâce au mobile (entre autres capteurs intégrés, GPS) permettent cette communication avec l’objet ; l’intelligence, l’interface utilisateur, la batterie faisant le reste comme dans notre exemple du parapluie connectée où les deux méthodes sont proposées.

Dynamic NFC tags (c) ST

Dynamic NFC tags (c) ST

La société franco-italienne STMicroelectronics, spécialiste de capteurs en tout genre,  vient d’annoncer une famille d’étiquettes NFC « dynamique » sous le doux nom de M24SR.

Globalement, c’est un circuit électronique comprenant

  • une mémoire non volatile,
  • la technologie NFC à la norme ISO 14443 (*) permettant l’échange entre cette mémoire et le mobile ou le device NFC (et pour l’instant rien de nouveau, c’est globalement une étiquette NFC) ET
  • une connectivité avec contact au standard I2C.

C’est ce dernier point qui est la clé, le chainon manquant, le missing link et c’est le cas de le dire. L’I2C est un bus « conçu par Philips pour les applications de domotique et d’électronique domestique, il permet de relier facilement à un microprocesseur différents circuits notamment ceux d’une télévision moderne (récepteur de la télécommande, réglages des amplificateurs basses fréquences, tuner, horloge, gestion de la prise péritel, etc.). Il existe d’innombrables périphériques exploitant ce bus, il est même implémentable par logiciel dans n’importe quel microcontrôleur. Le poids de l’industrie de l’électronique grand public a permis des prix très bas grâce aux nombreux composants. Source Wikipedia.

Les principaux OS, Windows, OSX, Linux, Android et Arduino (à travers une librairie) supporte I2C. Ce qui signifie qu’il désormais possible d’intégrer la technologie NFC de manière simple dans de très nombreux objets électroniques et permettre une interaction avec mobile un NFC, non seulement en lecture d’étiquettes simples, mais aussi en échange de données entre le mobile et l’objet, données transmises par le bus I2C ou en provenance des capteurs de l’objet. Il est également possible d’utiliser l’étiquette pour faire de l’appairage simple d’appareils Bluetooth. Ce serait amusant de penser que la technologie NFC finisse par arriver sur les iPhone à travers cette technologie d’appairage simplifiée de deux devices échangeant des données en Bluetooth (iBeacons) mais ceci est un autre histoire.

L’I2C est un standard maintenu par NXP, un des fabricants historiques de la technologie NFC et qui propose un grand nombre de circuits électroniques et composants utilisant ce standard de communication  mais aucun lié au NFC à notre connaissance. Plus globalement, nous ne savons pas si ce type de tag NFC compatible 14443 et I2C existe déjà chez d’autres fabricants. Si c’est le cas, n’hésitez à nous les signaler dans les commentaires de ce billet.

Deux exemples d’utilisation concrète :

Gazpar (c) GrDF

Gazpar (c) GrDF

1 – C’est ce type de technologie NFC qui devrait être utilisée dans Gazpar, le futur compteur intelligent, de GRDF en cours de développement, et qui sera fabriqué à 11 millions d’exemplaires. Une des raisons avancées est que le tag peut fonctionner sans batterie, l’énergie apportée par le terminal lors de la communication RF est suffisante pour alimenter le circuit (mode Energy harvesting).

NFC Sensor Card (c) Etri

NFC Sensor Card (c) Etri

2 – Au dernier NFC World Congress qui s’est tenu à Nice fin septembre, l’ETRI, Electronics and Telecommunications Research Institute, un centre de recherche national coréen, a présenté un prototype d’une « Programmable NFC Sensor Card« , accessible par mobile utilisant une étiquette de la famille M24SR. Sur une carte plastique format carte de de paiement, sans batterie, des capteurs divers (humidité, température, lumière ..) dont les informations peuvent être lues et analysées par le mobile NFC après lecture. A partir de ce principe, de nombreuses applications peuvent être pensées / imaginées en particulier dans la domotique / smart home et l’internet des objets.

Un élément important du puzzle est maintenant disponible, reste à voir comment il sera utilisé pour connecter de nouveaux objets. Les coréens ont décidé d’utiliser cette technologie franco-italienne. Espérons que les industriels français et européens feront de même dans le cadre du développement de l’internet des objets.

A suivre … dès la semaine prochaine au Salon Cartes à Villepinte où STMicroelectronics, NXP et bien d’autres acteurs de la technologie NFC seront présents pendant trois jours. J’y aurai le plaisir au nom du Forum des services mobiles sans contact d’animer la journée de conférences dédiées au NFC qui aura pour thème « NFC out of payment » mercredi 20 Novembre ce que nous venons, d’une certaine façon, de montrer.

Pierre Métivier

(*) Chez STMicroelectronics, dans la même famille, il existait déjà le circuit M24LR (dont le robot sur la première image est un démonstrateur), mais supportant la norme ISO 15693 (dite de vicinity/voisinage) jusqu’à un mètre de distance. Le M24SR est compatible avec la norme ISO 14443 (Proximity/proximité), celle correspondant aux échanges à courte distance, moins de 5 cm, la plus utilisée.

Pour aller plus loin

Comprendre le puzzle du paiement mobile pièce par pièce.

Paiement NFC à Strasbourg

Paiement NFC à Strasbourg

Ce doit être difficile pour une personne qui découvre le paiement mobile de comprendre toutes les solutions disponibles, les choix, les enjeux, les acronymes. Chaque jour, une nouvelle pièce du puzzle est disponible, à mettre en place, sans que l’on sache si un jour, le puzzle sera complet. EMV, BLE, NFC, HCE, … Par comparaison, le monde Bitcoin parait simple ! (*)

Nous allons présenter quatre morceaux de puzzle aujourd’hui, basés sur quatre informations communiquées ces derniers jours, ettenter de les réunir, ce qui, nous l’espérons, apportera un peu de lumière.

Tout d’abord, première information, un chiffre, basé sur un article décrivant la présentation de Denee Carrington, senior analyst chez Forrester Research, société bien connue d’étude de marché en particulier dans le monde de la technologie.

Dans cet article intitulé “NFC will not power US mobile payments: Forrester” du site Mobile Commerce Daily, Mme Deee Carrington déclare « ecommerce will make up 9 percent of total retail sales by 2016, and mobile commerce will only make up 8 percent of ecommerce. However, by 2017, Forrester expects mobile payments to reach $90 billion.

Ce qui se traduit par une simple équation: En 2016, le e-commerce représentera 9% du commerce total, et le m-commerce 8% du e-commerce. Il n’y pas besoin d’appeler Cédric Villani pour faire le calcul. Le m-commerce représentera donc 8% de 9%, donc 0,09*0,08 = 0,0072 = 0,72% du commerce global en 2016. Vous avez bien lu. 0,72% Tous ça pour ça. Il est clair que les articles sur le m-commerce représente bien plus de 0,72% des écrits sur le commerce. Ceci dit, cela correspond tout de même à la coquette somme de 90 Md $ en 2017, toujours d’après Forrester.

Si l’achat par mobile dans le e-commerce ne représente en 2017 que 0,72% voire 1% (pour arrondir) du commerce mondial, alors on peut comprendre l’intérêt à attaquer avec le mobile les 91% du marché restant à conquérir, c’est à dire, l’achat en magasin physique toujours avec son mobile, et donc l’achat de proximité.

Et hors cash, chèque (y compris chèque restaurant), comment paie t-on dans un magasin ? Avec une carte de paiement, bancaire ou privative, débit ou crédit sur un terminal de paiement électronique.

La bataille est donc sur l’accès au terminal de paiement électronique, c’est à dire, au réseau d’acceptation carte bancaire et ça se complique pour les acteurs du web. Les banques partout dans le monde et en particulier en Europe, aux Etats-Unis et en Asie, mettent à jour les terminaux de paiement électronique pour qu’ils acceptent la technologie sans contact. En Europe, plus d’un million de TPE sont déjà installés. En France, c’est plus de 100 000 points de vente qui l’acceptent (entre 8 et 9% des points de vente). Ces TPE acceptent à la fois les paiements standard par carte contact, par carte sans contact et par mobile, lorsque une application bancaire utilisant le NFC est installé : citons Kix de BNPParibas et la M-Carte du Crédit Mutuel qui seront bientôt rejoint par la Société Générale et la Banque Postale. Isis, la solution de paiement mobile proposée par les opérateurs US  est en phase de lancement aux US et déjà plus 1 million de TPE sans contact sont disponibles en Chine (source China Mobile) et l’Asie et la Corée ont 10 ans d’avance sur le reste de la planète sur des technologies proches et en cours de migration vers le NFC.

De leur coté, Paypal et Google ont une approche différente. Les deux sociétés ont bien sûr compris l’importance d’accéder avec le mobile aux TPE, mais sans passer par la solution coté mobile, de Secure Element basé sur la SIM de nos mobiles, préconisée par les banques associés aux opérateurs mobiles.

A commencer par Paypal (deuxième information) qui essaie, après un accord avec Discover, une carte de paiement bien loin derrière Visa, Master Card et American Express en terme de marché, d’utiliser les Beacons, nous en avons déjà parlé dans ce blog, pour contourner le problème. Les beacons, technologie de géo-localisation / géo-marketing que Paypal aimerait transformer pour une solution de paiement sans passer à la caisse, sans utiliser directement le terminal de paiement électronique.

Android Kitkat (c) GottaBeMobile

Android Kitkat (c) GottaBeMobile

Troisième information, la nouvelle version d’Android, KitKat, support le HCE, Host Card Emulation. Cette annonce contient deux informations importantes :

  1. Google continue à investir dans le NFC (Android c’est 70% de part de marché en Europe pour 20% pour iOS).
  2. Google, tout comme Paypal, ne souhaite pas utiliser la solution de sécurité basée sur la SIM (voire même sur l’élément sécurisé du mobile) et donc propose à travers le HCE, une solution Host Based, basée sur la technologie  SimplyTapp où la sécurité réside dans le cloud.

Beaucoup de questions se posent à savoir si cette proposition, avec une solution de sécurité logiciel plus faible que la solution hardware, sera acceptée par EMVco, l’association qui définit les standards pour les cartes de paiement à puce. Ensuite, cela veut dire une connectivité plus nécessaire coté mobile, des temps de réponses certainement plus lents, des données qui vont se ballader dans le cloud avec toutes les conséquences en terme de sécurité qu’on peut imaginer.

Quatrième et dernière information, la plus récente, l’annonce par Orange, d’Orange Cash, une carte de paiement Visa, prépayé et dématérialisée sur mobile NFC. Pour certains, ce n’est qu’un porte-monnaie mobile de plus. A y regarder de plus près, cette annonce a des impacts plus forts qu’il n’y parait. Une des difficultés du paiement sur mobile NFC à ce jour, est qu’il faut une combinaison du bon mobile, du bon opérateur et de la bonne banque. Si vous êtes chez Free, avec un iPhone et chez LCL, vous n’avez aucune chance à court terme d’avoir une solution de paiement sans contact par mobile. Si vous êtes chez Orange, avec Samsung Galaxy S2,3,4 et à la BNPParibas, c’est disponible, ou NRJ Mobile, Samsung de nouveau et Crédit Mutuel, alors de nouveau, vous pouvez dématérialiser votre carte de paiement et utiliser votre mobile pour payer dans plus de 100,000 magasins en France aujourd’hui.

Orange Cash

Orange Cash

Orange Cash, développé avec Visa Europe, c’est donc la possibilité d’avoir un porte-monnaie électronique pré-payé, une carte de paiement Visa que vous rechargez vous même, avec une combinaison simplifiée (Orange, mobile) : tout téléphone NFC Android (à ce jour) ET Orange. Le facteur banque n’apparait plus. Il n’y a pas besoin de faire des démarches auprès de sa banque, et l’opération se fait en ligne. En quelques minutes, l’abonné Orange équipé d’un mobile NFC Android va pouvoir payer sans contact, sans code pour moins de 20 € en rechargeant à sa guise la carte quand il le souhaite. Beaucoup plus de consommateurs français deviennent éligibles au paiement sans contact et la mise en place est beaucoup plus rapide. Ajoutons que cette carte dématérialisée peut également servir à payer en ligne, sans créer de compte supplémentaire, sans entrer tous les chiffres de sa carte, tout comme de nombreuses autres solutions offertes par les banques. Si cette annonce se confirme, nous avons donc une solution simple et pratique de paiement mobile sans contact et sur Internet pour les clients Orange. Test à venir à Caen et Strasbourg dans les prochains mois, avant un lancement en 2014.

L’assemblage du puzzle se poursuit. A suivre de près, bien sûr.

Pierre Métivier

(*) Just kidding

Pour aller plus loin