Après Amours, Délices et Orgues puis Requins, Transport aérien et Paiement sans contact, associons trois nouveaux mots et expressions pour ce petit billet de « vacances ».
Si les trois premiers mots ont comme point commun d’être masculin au singulier et féminin au pluriel (et c’est aussi le titre d’un recueil de contes du grand Alphonse Allais), les trois suivants sont des peurs irrationnelles que nous avons couvertes dans un billet précédent.
Tri sélectif, cryptage et digital sont des mots ou des expressions couramment employés par les media et, souvent, chacun d’entre nous, alors que nous ne devrions pas.
1 – Catégorie pléonasme : Tri sélectif.
Trier, c’est sélectionner. Les deux mots sont synonymes. Les accoler ne permet en aucun cas de rendre cette expression plus écologique. Un simple tri suffira. L’article de Wikipédia confirme ce statut de pléonasme. « L’expression tri sélectif constitue un pléonasme. La notion de sélection (des déchets) dans la collecte, embrasse celle de tri (des déchets)« . Les bons termes sont tri des déchets ou collecte sélective.
- RTL Pourquoi le tri sélectif ne marche pas bien en France ?
- France TV Info Tri sélectif : les Français se perdent
2 – Catégorie mot inexistant : Cryptage.
Le mot est à la mode avec les discussions autour du Projet de loi sur le renseignement. On peut le voir dans de nombreux articles et pourtant il n’existe pas.
Petit rappel de cryptographie – L’auteur d’un texte souhaite empêcher sa lecture, le rendre incompréhensible pour tout lecteur non autorisé. Notre auteur va le chiffrer avec une clé dite de chiffrement. Seul le lecteur réceptionnaire du texte en possession de cette même clé pourra le lire après donc l’avoir déchiffré. Le couple chiffrement / déchiffrement existe bien. Si une tierce personne souhaite lire le message alors qu’elle n’a pas la clé, alors elle doit décrypter le message, essayer de trouver sa signification par d’autres méthodes. C’est donc le décryptage. Il y a bien nécessité d’avoir deux mots entre lecture du message codé avec la clé – déchiffrement et sans la clé – décryptage mais coté auteur – un seul suffit, chiffrement, cryptage ne fait aucun sens.
Si vous voyez un article parlant de cryptage, en particulier sur les discussions autour de la loi sur le renseignement, vous pouvez économiser le temps de sa lecture à l’exception, bien sûr, de ceux qui vous expliquent pourquoi l’utilisation du mot est incorrect 😉
- Les liens vers les articles très clairs de Stéphane Bortzmeyer et Ryfe sur le sujet.
- Le Monde La Plateforme nationale de cryptage et de décryptement, un projet construit à partir de 2007
- Le Figaro / AFP La NSA perce le cryptage des données
3 – Catégorie faux-ami : Digital(e).
La traduction française de l’adjectif anglais digital est numérique. Le mot digital est pourtant employé à toutes les sauces pour signifier numérique alors qu’il a déjà plusieurs sens en français. En tant qu’adjectif, le mot est utilisé pour tout ce qui se rapporte aux doigts comme par exemple : empreinte digitale. En tant que nom, la digitale est aussi une plante vénéneuse. Comme le précise avec humour, l’article de Wikipedia : « Sémantiquement, le terme digital en français comme en anglais provenant de digitum, « doigt » en latin, n’a rien à voir avec nombre ou numérisation. Le seul vrai calculateur digital est un instrument très ancien, toujours très employé en Asie, le boulier, où le calcul s’effectue avec les doigts. » L’Académie Française est également très claire sur le sujet, rappelant l’existence du mot numérique.
Une petite phrase pour vous rappeler le bon usage : « Seules, les sociétés de restauration rapide peuvent avoir une stratégie digitale par ce qu’on y mange avec ses doigts. Pour les autres, ce sont des stratégies numériques. » 🙂
- Les Echos – Phoceis optimise la stratégie digitale des grandes enseignes
- La Tribune – La révolution digitale affecte aussi la gestion de patrimoine
Comme certaines trilogies comportant quatre voir cinq éléments comme le « Hitchhiker guide to the galaxy« , nous aurions pu rajouter le mot innovation, employée trop souvent hors de son sens mais nous y avons déjà consacré un article spécifique. « Une invention ne se décrète pas, elle se constate.« .
A suivre.
Pierre Métivier
@pierremetivier