Archives mensuelles : avril 2015

Tri sélectif, cryptage et digital : et si nous utilisions les bons mots ?

oseph Kosuth. Four Words Four Colors (1965) - Detail

Words – Et si nous utilisions les bons mots ?

Après Amours, Délices et Orgues puis Requins, Transport aérien et Paiement sans contact, associons trois nouveaux mots et expressions pour ce petit billet de « vacances ».

Si les trois premiers mots ont comme point commun d’être masculin au singulier et féminin au pluriel (et c’est aussi le titre d’un recueil de contes du grand Alphonse Allais),  les trois suivants sont des peurs irrationnelles que nous avons couvertes dans un billet précédent.

Tri sélectif, cryptage et digital sont des mots ou des expressions couramment employés par les media et, souvent, chacun d’entre nous, alors que nous ne devrions pas.

1 – Catégorie pléonasme : Tri sélectif.

Trier, c’est sélectionner. Les deux mots sont synonymes. Les accoler ne permet en aucun cas de rendre cette expression plus écologique. Un simple tri suffira. L’article de Wikipédia confirme ce statut de pléonasme. « L’expression tri sélectif constitue un pléonasme. La notion de sélection (des déchets) dans la collecte, embrasse celle de tri (des déchets)« . Les bons termes sont tri des déchets ou collecte sélective.

2 – Catégorie mot inexistant : Cryptage.

Le mot est à la mode avec les discussions autour du Projet de loi sur le renseignement. On peut le voir dans de nombreux articles et pourtant il n’existe pas.

Petit rappel de cryptographie – L’auteur  d’un texte souhaite empêcher sa lecture, le rendre incompréhensible pour tout lecteur non autorisé. Notre auteur va le chiffrer avec une clé dite de chiffrement. Seul le lecteur réceptionnaire du texte en possession de cette même clé pourra le lire après donc l’avoir déchiffré. Le couple chiffrement / déchiffrement existe bien. Si une tierce personne souhaite lire le message alors qu’elle n’a pas la clé, alors elle doit décrypter le message, essayer de trouver sa signification par d’autres méthodes. C’est donc le décryptage. Il y a bien nécessité d’avoir deux mots entre lecture du message codé avec la clé –  déchiffrement et sans la clé – décryptage mais coté auteur – un seul suffit, chiffrement, cryptage ne fait aucun sens.

Si vous voyez un article parlant de cryptage, en particulier sur les discussions autour de la loi sur le renseignement, vous pouvez économiser le temps de sa lecture à l’exception, bien sûr, de ceux qui vous expliquent pourquoi l’utilisation du mot est incorrect 😉

3 – Catégorie faux-ami : Digital(e).

La traduction française de l’adjectif anglais digital est numérique. Le mot digital est pourtant employé à toutes les sauces pour signifier numérique alors qu’il a déjà plusieurs sens en français. En tant qu’adjectif, le mot est utilisé pour tout ce qui se rapporte aux doigts comme par exemple : empreinte digitale. En tant que nom, la digitale est aussi une plante vénéneuse. Comme le précise avec humour, l’article de Wikipedia : « Sémantiquement, le terme digital en français comme en anglais provenant de digitum, « doigt » en latin, n’a rien à voir avec nombre ou numérisation. Le seul vrai calculateur digital est un instrument très ancien, toujours très employé en Asie, le boulier, où le calcul s’effectue avec les doigts. » L’Académie Française est également très claire sur le sujet, rappelant l’existence du mot numérique.

Une petite phrase pour vous rappeler le bon usage :  « Seules, les sociétés de restauration rapide peuvent avoir une stratégie digitale par ce qu’on y mange avec ses doigts. Pour les autres, ce sont des stratégies numériques. » 🙂

Comme certaines trilogies comportant quatre voir cinq éléments comme le « Hitchhiker guide to the galaxy« , nous aurions pu rajouter le mot innovation, employée trop souvent hors de son sens mais nous y avons déjà consacré un article spécifique. « Une invention ne se décrète pas, elle se constate.« .

A suivre.

Pierre Métivier
@pierremetivier

Requins, transport aérien, paiement sans contact ou les peurs irrationnelles

Top 15 des animaux les plus dangereux (c) Bill Gates

Top 15 des animaux les plus dangereux (c) Bill Gates

Il y a quelques jours, les requins étaient de nouveau sur le devant de la scène médiatique. A chaque nouvelle attaque mortelle, c’est la même chose, ils sont en première ligne, en ouverture du journal de 20:00. Entre horreur, voyeurisme et sensationnalisme, les requins font de l’audience. Peurs irrationnelles véhiculées par les media et propagées par Hollywood (rappelez vous des Dents de la mer de Spielberg). Et pourtant, il n’y a qu’une dizaine d’attaques mortelles de requin par an alors l’espèce humaine en tue chaque année entre 50 et 100 millions pour leurs ailerons. Au classement des animaux les plus dangereux pour l’être humain tel qu’on peut le trouver dans le blog de Bill Gates, ils ne sont même que quinzième, loin derrière les moustiques, les serpents, les éléphants, les escargots #ehoui, les chiens (les meilleurs amis de l’homme) et bien sûr les hommes eux-même. La peur du requin est présente alors que la probabilité que nous en rencontrions un dans la nature et qu’il nous attaque est infinitésimale.

Les moyens de transport les plus dangereux

Les moyens de transport les plus dangereux

On pourrait faire le même constat avec les accidents dans le transport aérien, également tragiquement présent dans une actualité récente, qui bouleversent les informations. L’avion est pourtant avec l’ascenseur et le train, le moyen le plus sûr de transport, alors que la moto, la marche à pied, le vélo et la voiture sont très largement plus meurtriers. Et pourtant, cette appréhension de prendre l’avion existe, spécialement, après chaque accident montré ad-nauseam alors que nous devrions monter dans nos voitures avec cette même appréhension, nous poussant à une conduite plus respectueuse des autres conducteurs et du Code de la Route. Et non 😦

Dans une moindre mesure (il n’y a heureusement pas le côté tragique), il en est de même pour le paiement sans contact. Régulièrement, des articles dans les journaux ou en ligne, des émissions de télé vont nous montrer qu’il est facile de voler toutes les informations de sa carte bancaire à distance, que tout le monde peut le faire et que le moyen de paiement n’est pas sûr. Et il est clair que la perception d’une partie (nous y reviendrons) des consommateurs est négative par rapport à ce moyen de paiement.

Tout comme pour les requins ou le transport aérien, cette perception est erronée. Oui, les requins mordent, oui, les avions peuvent s’écraser, oui, il est possible de lire certaines informations d’une carte sans contact à distance, mais dans la réalité et dans les trois cas, c’est excessivement rare.

Dans le cas du paiement sans contact, les services concernés de l’Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie Nationale, la police scientifique, en contact avec les « lanceurs d’alertes » d’une fraude potentielle, ont déclaré dans le magazine MISC #77 – page 43 de Janvier 2015 : « A ce jour, il n’existe ainsi pas de fraude à la carte sans contact puis qu’aucune faille n’a réellement été mise à jour. » (voir image ci-dessous). Même son de cloche côté service de la surveillance des moyens de paiement scripturaux de la Banque de France – pas de fraude avérée liée à la carte sans contact. Le paiement par carte bancaire EMV / à puce avec ou sans contact NFC dans un magasin est de loin le moyen de paiement le plus sûr, les américains sont en train de l’adopter ainsi qu’Apple et Paypal. Le même article cite le chiffre de 450 mio € par an la fraude aux moyens de paiement, aucun de ces euros n’est attribué au sans contact. Plus globalement, la fraude sur Internet, le « skimming« , le vol physique de portefeuille et du cash qu’il contient, est bien plus active mais les media n’en parlent que très peu, moins vendeur.  Et nous avons déjà développé dans ce blog (voir en bas de billet), tous les arguments montrant le peu de risques encourus.

Misc Magazine 77 - Dossier sécurité des moyens de paiement

Misc Magazine 77 – Dossier sécurité des moyens de paiement

Les requins, les avions et les cartes bancaires sans contact ont ce triste privilège de porter en eux un risque perçu loin d’être en rapport avec le risque réel, sans raison réelle, qui entraine une peur irrationnelle, principalement par méconnaissance du sujet et l’envie de certains media d’une audience facile quelle que soit les conséquences.

Paiement sans contact - Mars 15 (c) Groupement CB

Paiement sans contact – Mars 15 (c) Groupement CB

Heureusement, les consommateurs, en France et dans le monde, tiennent de moins en moins compte de ces titres racoleurs. Ils continuent à se baigner en mer, ils prennent de plus en plus l’avion et utilisent de plus en plus le paiement sans contact comme le montrent les derniers chiffres d’utilisation de la carte bancaire sans contact en France à fin mars 2015. Toujours en forte progression. Sans plus de fraude.

A suivre .. sur Twitter, où, bien sûr, les réactions ne tarderont pas sur le sujet, comme à chaque fois que ces sujets sont abordés. Une nouvelle occasion d’échanges et d’explications avec les esprits curieux et les jacobins, ceux qui développent des business autour du sans contact et ceux qui vivent d’un business basé sur cette peur, et tous les autres. Le spectre, quel mot chargé de double sens, est large.

A suivre donc.

Pierre Métivier
@pierremetivier

PS. Entre phobie, anxiété ou peur irrationnelle, je ne suis pas sûr du terme qu’il faudrait utiliser pour décrire les trois exemples cités. Merci aux lecteurs les plus versés en psychologie de me corriger.

Articles du blog sur le même sujet.

SIdO – un compte rendu foisonnant comme peut l’être l’internet des objets

SIdO 2015, Lyon

SIdO 2015, Lyon

Survolons ensemble quelques points marquants de cette première édition du SIdO, le Salon de l’Internet des objets qui s’est tenu les 7 et 8 avril 2015 à Lyon.

Ce fut un événement très réussi, mélant exposition, ateliers, keynotes et tables rondes en présence de tout l’écosystème : startups et grands groupes, industriels et makers, politiques européens, standardistes (organismes s’occupant des standards et des normes – néologisme 2.0), collectivités, designers comme Jean-Louis Fréchin ou Pierre Garner, avocats, associations, Pôles de compétitivité, organismes de recherche, écoles et étudiants, artistes, makers, journalistes,…. Tous les acteurs industriels étaient représentés, tous les fournisseurs de services et de solutions s’y retrouvaient, toutes les facettes de l’internet des objets étaient présentes, des gadgets bobos aux technos industrielles les plus enfouies … littéralement. Aucun temps mort, une énergie palpable et une dynamique enthousiasmante sous le soleil de la capitale des Gaules. Un peu lyrique tout cela mais ressenti comme tel.

Que mettre en avant :

Objets connectés au SIdO

Objets connectés au SIdO

Toutes les facettes de l’internet des objets donc – de la tototte  connectée au vibro-masseur également connecté (I wouldn’t touch that line with a ten-foot pole), du matériel de maison connecté comme un sèche-cheveux, une bouilloire ou un cuiseur sur le stand Lick ou des bouteilles de vins authentifiées (Wid). On pouvait y voir aussi toute une série de wearables, de la domotique, de la gestion d’énergie, des capteurs sur des cables enterrés (CEA-Leti) ou des tuyaux (Editag), des armoires à outils intelligentes chez Nexess … Bref, pour tous les goûts et surtout tous les besoins.

Lysbox au SIdO

Lysbox au SIdO

Les technologies sous le capot. Il y a bien sûr les classiques comme NXP, Texas Instruments ou les STMicroelectronics pour les capteurs, mais aussi les réseaux comme Sigfox ou Lora. Derrière les montres Withings ou les balises Estimote, on retrouve la même technologie BLE de chez Nordic et EBV Electronik montrait divers produits comme la Lysbox déjà présentée dans ce blog.

Expresso NFC

Expresso NFC

Deux machines à café, l’une Bluetooth/IPv6 (Nordic) , l’autre NFC (Keolabs) deux manières de montrer qu’il est possible de connecter / hacker des machines existantes sans avoir à concevoir de nouvelles machines. Il est aussi important de connecter des objets / machines existants que de créer des versions spécifiques. Celle NFC nous a bien sûr particulièrement intéressée. Elle n’est pas sans rappeler la même approche par l’équipe de Freemindtronic sur le salon Cartes l’année dernière.

L’espace maker très actif.

Schneider et Greenstick

Schneider et Greenstick

La présence active de grands groupe comme Orange avec la proposition Datavenue de gestion des données, NXP, ST micro (et ses jeux gérés par microcontrolleurs et plus par microprocesseurs), d’EDF avec un certain nombre de startup dont Greenstick pour mesurer la consommation de chaque disjoncteur en collant simplement un device sans branchement ou Schneider dans la domotique

Toujours sur l’énergie, l’annonce des résultats du concours « Remix My Energy » organisé par Tuba Lyon a montré que les lyonnais avaient des idées en terme de gestion de l’énergie.

Beaucoup de solutions RFID et NFC au fil des stands, y compris dans les présentations, plus que dans la presse habituellement, probablement du au coté volontairement professionnel de ce salon.

SIdO conf

SIdO conf

Les keynotes et en particulier celles à distance de Scott Jenson de Google et de David Rose, du Medialab.

Le très professionnel one manshow de Bruno Bonnel en attendant l’arrivée en awabot d’Axelle Lemaire, avec une approche des objets connectés très proche de celle de ce blog, posant les bonnes questions sur l’usage et la simplicité. « Un objet connecté doit être disruptif et simple, ne doit pas tomber dans la mode, l’éphémère. Il doit avoir de la jambe, éviter la gadgetisation. »

innovation and taxes

innovation and taxes

La présence d’Alma cg avec une banderole « Innovation and taxes« , une spécialité non réservée aux gouvernements de tout bord ! Sur ce salon, Alma cg proposait d’aider les entreprises de l’internet des objets à se financer mais le titre n’en reste pas moins étonnant.

Un concurrent à Cityzen Sciences, dans le domaines des vêtements connectés, Millesia, fabricant français de lingerie de luxe et puis des solutions en préparation pour passer des boitiers toujours attachés aujourd’hui aux vêtements à des solutions intégrées aux fibres du tissu comme on pouvait voir sur le stand du CEA-LETI

Sidômes

Sidômes

On aurait pu parlé des bananes comme manette de jeu, un classique des makers ou du cactus qui se dégonflait avec la musique de Jacques Dutronc pour expliquer comment fonctionnent les capteurs industriels chez Eurotech, des sidômes de l’accueil connecté… mais le temps nous manque.

Beaucoup de belles phrases – mes deux préférés – A connected objet is ‘Not just a pretty smart phone interface !‘ » ou celle de Bruno Bonnell. « Je veux bien manger ta choucroute mais tu me paies l’assurance. »

Un compte rendu sans queue ni tête donc avec plus de trous que le gruyère, foisonnant, comme peut l’être tout ce qui se retrouve derrière le terme Internet des objets. Impossible de résumer un événements de 110 exposants, 42 conférences – parfois 3 ou 4 en même temps, et 175 intervenants dans un billet. Le SIdO a réussi ce tour de force de réunir tous ces acteurs pour un premier événement de grande qualité. On attend la suite avec impatience.

Bravo et merci aux organisateurs et à l’année prochaine.

@PierreMetivier

Pour aller plus loin.

Hommage à Roland Moreno

Hommage à Roland Moreno