Déploiement du NFC
Régulièrement, des chiffres mirobolants à deux, cinq voire dix ans concernant le NFC, le m-commerce ou le paiement sans contact par mobile sont cités, promettant un avenir radieux à la technologie. Pour de nombreux observateurs en particulier chez les industriels de l’écosystème, les déploiements des services mobiles sans contact sont en marche. Les smartphones sont partout et les services cartes avec ou sans contact également. Il suffit donc de dématérialiser la carte sur le mobile et hop, nous avons notre télé-commande universelle.
D’autres chiffres et articles, souvent publiés par des sociétés proposant des solutions concurrentes au NFC, annoncent un avenir plus sombre à cette technologie. Et même si les services cartes sont de plus en plus présents dans notre quotidien (en particulier pour l’accès, le paiement ou pour le transport), certains doutent de l’utilisation du mobile pour tous ces services.
Cet article va lister à la fois les raisons d’y croire et celles qui assombrissent l’avenir de ces déploiements. Il sera publié en deux parties et nous commencerons par les raisons d’être sceptique sur le déploiement de ces services (avec bien sûr quelques commentaires par rapport à ces arguments sous forme de notes en italique). Certains de ces sujets ont déjà été abordés en détail dans ce blog et vous pourrez retrouver les liens correspondants.
1 – Non-support de la technologie par Apple et par Free.
De tous les industriels majeurs proposant des mobiles, Apple est le seul à ne pas proposer de modèles NFC. A chaque lancement de nouveaux produits iOS, les rumeurs vont bon train mais, malgré de nombreux brevets déposés dans le domaine, malgré Passbook, le wallet électronique d’Apple clairement conçu pour fonctionner avec des mobiles sans contact, les utilisateurs d’iPhone sont actuellement les seuls utilisateurs de smart phones récents à être privé de la fonctionnalité NFC. Et ce ne sont pas les ibeacons qui vont remplacer la fonctionnalité, ceux-ci étant principalement destinés à des applications de type geo-marketing, geo-fencing ou geo-localisation.
De même, pour la France, l’opérateur Free est le seul opérateur telecom majeur à ne pas proposer de SIM compatibles NFC pour l’instant et donc ne permet à ses abonnés de bénéficier des applications sur mobile de type transport ou paiement.
Note – L’absence d’Apple a longtemps été perçu comme un réel frein au développement du NFC. Mais l’augmentation des parts de marché des mobiles Android et en particulier Samsung, et la baisse concomitante des parts de marché d’Apple sur le marché du smart phone, diminuent fortement l’influence d’Apple sur le marché . Autrement dit, ce déploiement se fait et se fera indépendamment d’Apple. Les utilisateur d’iPhone ne pourront simplement pas bénéficier des services mobiles sans contact. Ceci dit rien n’indique que la décision d’Apple est irrévocable.
De même, les principaux opérateurs telecom français (Orange, SFR, Bouygues Telecom, NRJ Mobile) supportent le NFC à travers la marque NFC Cityzi. Dans le cas de Free, les utilisateurs équipé de mobiles NFC peuvent accéder à tous les services NFC sauf donc les services Cityzi principalement transport et paiement. Il peuvent donc uniquement pour l’instant utiliser des services d’informations basées sur de la lecture d’étiquettes – applications ville, tourisme ou des application peer-to-peer.
A lire – Annonces iPhone 5S, iBeacon et NFC : la réalité derrière la fiction
2 – Complexité de l’écosystème entrainant une interopérabilité imparfaite.
Le terme écosystème s’applique clairement aux services mobiles sans contact. Des dizaines d’acteurs, à la fois partenaires et concurrents, sont obligés de se mettre d’accord pour que tous les éléments de l’ensemble fonctionnent. Les fabricants de circuits électroniques, de puces, de SIM, de mobiles, les opérateurs télécoms, opérateurs de transports, les banques et autres opérateurs financiers, les TSM, les fournisseurs de solutions et de services,…. De nombreux services sont opérationnels partout dans le monde mais l’interopérabilité est loin d’être parfaite avec des conséquences sur l’universalité des usages.
Note – Aucun acteur n’a réellement la puissance pour imposer ses propres règles dans cet écosystème complexe et morcelé. C’est l’intérêt de tous de respecter les règles communes édictées par les différences instances comme NFC Forum, la GSMA ou Global Platform menant donc à cette interopérabilité, sous peine de perdre tous les investissements déjà consentis.
A lire – De l’écosystème des services mobiles sans contact NFC expliqué comme une course cycliste
3 – Modèles financiers fragiles.
Il n’y a pas de feuille de calcul magique permettant de connaître précisément en deux clics la rentabilité d’un nouveau service. Pour chaque service, qu’il soit dédié à la banque, au commerce, à la ville, ou à la maison, les paramètres sont nombreux et de nouveaux montages et modèles financiers doivent être inventés. Il est clair que faute de trouver des modèles financiers adaptés, certains services sans contact pourraient ne pas voir le jour.
Note – La crise financière actuelle n’encourage pas les investissements en ce domaine alors qu’au contraire, ce sont de nouveaux leviers de croissance. Les gouvernements français successifs l’ont bien compris en aidant au financement d’un certain nombre de services gérés par les collectivités territoriales et à destination des citoyens. Les banques, les opérateurs telecom et de nombreux acteurs continuent également leurs investissements même si les usages, en progression constante, sont encore réduits.
4 – Vol possible des données.
Que se passe-t-il lorsque mon portable est volé ? Peut-on voler les informations à distance ? Puis je payer avec mon mobile sans le savoir en approchant d’un terminal de paiement ? Ce sont des questions que peuvent se poser les consommateurs. La presse relaie régulièrement le déploiement de nouveaux services mais aussi des articles amenant à la controverse sur la sécurité des services cartes et mobiles sans contact.
Note – La sécurité des données personnelles et bancaires est un des sujets les plus important de l’écosystème sans contact et il est la raison de sa complexité technologique. Sans être parfait, aucun système ne l’est, la sécurité des transactions, des paiements, des échanges est l’une des plus avancées, bien plus que sur les achats par Internet, les taux de fraude le prouvent aisément, et suffisamment pour que les banques remboursent tout achat délictueux effectué par carte ou mobile sans contact. Les travaux des banques, des opérateurs, ceux des hackers qui enrichissent également par leur découvertes la sécurité de l’ensemble, et le respect des différentes règlementations en vigueur assurent une réelle sécurité. Ceci dit, le succès de ces services passera par la confiance des consommateurs, des usagers et des citoyens : la même confiance qu’ils portent à leur voiture, leur mobile ou leur carte de crédit.
A lire – Sécurité des cartes de paiement sans contact – sachons raison garder
Déploiement du NFC
5 – Respect de la vie privée non assuré
Un grand nombre de services sans contact sont basés sur un échange de données personnelles et génèrent un grand nombre de données qui pourraient être utilisées à des fins non souhaitées par l’utilisateur.
Note – Tout service utilisant des données personnelles doit être conforme aux réglementations sur la vie privée en vigueur, et c’est un sujet sur lequel les associations de consommateur et la CNIL veille. Les services mobiles sans contact ont un avantage important dans ce domaine dans le sens où ils sont basés sur la notion de check-in, une action volontaire de l’utilisateur qui approche son mobile d’un TPE, d’un valideur de transport ou d’une étiquette d’information pour valider son action. En aucun cas, il n’est suivi en permanence, contrairement à d’autres propositions technologiques concurrentes en particulier dans le commerce.
A lire – Le mobile et les services NFC pour garder le contrôle de ses données personnelles
6 – Choix de fournisseurs de services majeurs de ne pas utiliser les services mobiles sans contact.
Un grand nombre d’acteurs se sont lancés dans les applications mobiles sans contact. Ceci dit, des services phares, utilisant les cartes sans contact, n’ont toujours pas annoncé clairement leur support et le déploiement sur mobile. A Paris, les deux exemples les plus visibles sont la Carte Navigo gérée par le STIF et la carte Vélib. L’absence de disponibilité de ces services est parfois considéré comme un symbole de la non-universalité du mobile sans contact.
Note – Des villes comme Nice, Caen ou Strasbourg ont déployé à grande échelle leur services NFC sur mobile en particulier dans le transport mais ce n’est pas encore le cas de Paris pour de multiples raisons. Même si la technologie est potentiellement universelle et pourrait être utilisée pour de nombreux services, elle ne remplacera pas toutes les applications cartes à court-terme. Les deux systèmes continueront à coexister que ce soit dans le monde du commerce ou du transport.
7 – Coût trop élevé du roaming pour une utilisation dans le tourisme.
Le roaming est la fonction permettant d’utiliser son mobile partout dans le monde, de pouvoir appeler de l’étranger vers la France en utilisant des réseaux en activité dans les autres pays. Pour ceux qui en ont fait l’expérience, ce roaming a un coût que ce soit pour la voix que pour les données. Un certain nombre d’applications mobile sans contact nécessitent l’accès à l’internet soit par wifi quand celui-ci est disponible et paramètré, soit par réseau 2G/3G/4G, option souvent fermée par les utilisateurs pour justement éviter les coûts. Dans un musée français sans Wifi, un touriste américain utilisant son mobile NFC comme audioguide, verra sa facture mobile augmentée, ou, si la fonction est désactivée, ne pourra pas utiliser le service.
Note – Cette objection réelle va disparaitre au fur et à mesure des baisses des coûts de roaming proposés par la Commission Européenne ainsi que par les déploiements de plus en plus nombreux dui wifi dans les lieux touristiques. Il y a également des solutions consistant à placer une grande partie des données nécessaires dans l’application mobile ce qui réduit les données accédées par connectivité extérieure.
A lire – Tourisme et NFC – La Joconde bientôt transformée en borne d’accès WiFi ?
Déploiement du NFC
8 – Non-décollage des usages.
« Si les usages ne décollent pas assez rapidement, il y a un risque de voir Samsung, BlackBerry et autre Nokia arrêter d’intégration de la fonction NFC dans leurs terminaux« . On peut lire cette phrase dans un communiqué de presse annonçant les résultats d’un industriel français dans le domaine de la sécurité et du NFC. Et il est vrai que si les usages ne sont pas au rendez-vous, il y a un risque potentiel de désengagement de certains industriels.
Note – Aucun lancement national n’a été effectué que ce soit au niveau du paiement par carte sans contact (hors une campagne Visa) qu’au niveau des autres services mobiles sans contact. Ce lancement interviendra lorsque les infrastructures en terme de TPE, de mobiles NFC et de services seront suffisamment importantes. Sans communication et sans un minimum de pédagogie, d’explications au niveau des consommateurs, des agences bancaires, des commerces, l’usage ne pourra pas se développer.
A lire – Vitrophanie et formation : deux chainons manquant au développement de l’usage des services de proximité sans contact
9 – Disparition de la marque dans le mobile.
Avec le transfert de la carte vers le mobile, la notion de marque ou (branding en anglais) est impactée, autant pour les marques commerciales que pour les services des collectivités territoriales. Ces marques, bien visibles sur les cartes sans contact, disparaissent en partie dans le mobile. Plus de carte Fnac ou Carrefour, cette carte n’est plus que zéros et uns dans le mobile, on ne la voit plus. Les services sont toujours là, ils sont même étendus en se liant à d’autres services dans le mobile, mais le logo et ce petit carré de plastique disparait. Il ne reste plus que la marque du mobile et l’opérateur sur le mobile lui-même. Cette dématérialisation du support peut donc peur à de nombreuses sociétés.
Note – La dématérialisation des cartes est en marche, comme auparavant la musique, les films, les logiciels ou les livres, avec ses avantages et ses inconvénients. Cela ne veut pas dire le remplacement ou la disparition des cartes. Rappelons que les escaliers mécaniques n’ont pas remplacés les escaliers standards. Les avantages (nouveaux services liées au support mobile, disponibilité de beaucoup plus de cartes et expériences étendues) dépasseront les inconvénients (perte partielle d’identité visuelle et physique) pour les consommateurs et les sociétés. Les deux systèmes coexisteront encore longtemps. Pour l’entreprise ou la collectivité, il existe deux approches du sujet – l’ignorer ou en être un acteur innovant. Dans tous les cas, chaque société et chaque collectivité territoriale devra se poser la question et y répondre.
A lire – Pourquoi les marques freinent le développement du NFC en France.
10 – Signalétique dispersée.
Les services de proximité sans contact n’ont pas encore un logo universel indiquant la présence d’un service NFC. Chaque acteur de l’écosystème a son idée, banques et carte de crédit, opérateurs télécom, le Forum NFC, les éditeurs de solutions aussi. Et puis il y a les services eux-même à indiquer ; le tag Facebook cotoiera le tag FourSquare. Et si vous rajoutez un étiquette code 2D pour ne pas léser les possesseurs de téléphone non NFC, cela donne un sympathique méli-mélo de logo. D’un autre coté, le consommateur, citoyen ou usager ne voyant pas un signe indiquant un possible service sans contact ne peut l’utiliser.
Note – Deux pistes.
- Une image vaut mille mots mais la proposition inverse – un mot vaut parfois mille images – peut aussi s’appliquer. Le mot le plus universel dans toutes les langues est le mot TAXI. Le terme NFC (ou le mot TAP) pourrait être le candidat d’une même universalité (dans son domaine comme Wifi ou USB) afin de faire connaître la présence d’un service sans contact.
- Faire confiance aux utilisateurs qui trouveront d’eux même les services même si les logos ne sont pas universels.
A lire – Le casse-tête de la signalisation des services sans contact NFC
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Fin donc de cette première partie. Les obstacles sont réels mais non insurmontables et nous verrons dans la deuxième partie de l’article les nombreuses raisons qui nous font penser que les avantages apportés par les services mobiles sans contact aux usagers, consommateurs et citoyens, aux fournisseurs de services et aux industriels qui les déploient, dépasseront largement ces quelques freins.
A suivre … la semaine prochaine.
Pierre Métivier