Archives mensuelles : février 2015

Paiement mobile sans contact – le rachat de Softcard par Google est-il une bonne ou une mauvaise idée ?

Google Wallet, Softcard and Apple Pay

Google Wallet, Softcard and Apple Pay

Google a donc officiellement annoncé le rachat de Softcard, un concurrent important sur le marché du paiement mobile sans contact. Un achat de plus pour Google mais aussi un événement important dans la bataille du paiement par mobile et en particulier dans les commerces aux États-Unis et à plus long terme sur le reste de la planète.

Les commentaires sont divers, de toutes les nuances de l’arc-en-ciel, de l’enthousiasme à l’incrédulité. Citons en particulier l’article de Patrice Bernard, du toujours très documenté blog « C’est pas mon idée« , qui a titré « Google Wallet s’enfonce dans l’impasse » et qui a des mots très durs pour qualifier la stratégie de l’entreprise.

Pour bien comprendre les enjeux lorsqu’on n’est pas spécialiste, un minimum d’explication est nécessaire.

Il faut d’abord bien distinguer le paiement dans les commerces de proximité (90% du marché) et le paiement en ligne (environ 10%) – chiffres Forrester sans oublier le paiement sur facture opérateur ; le sujet du jour étant le paiement mobile dans le commerce de proximité.

Pour qu’un moyen de paiement soit utilisé par un consommateur dans un magasin, il faut

  1. qu’il soit accepté par les commerçants. Dans les commerces, on paie en cash, par chèque (de toutes sortes y compris titres-restaurant, cadeaux, vacances), en carte de paiement (bancaires ou privatives, débit, crédit, pré-payé),… Tous ces moyens ne sont pas pris partout, y compris le cash, refusé par exemple dans les bus de Londres. La liste des points de vente acceptant un moyen de paiement s’appelle le réseau de d’acceptation. Et donc plus ce réseau est grand, plus votre moyen de paiement est accepté. Mais sa création est très difficile pour tout nouvel entrant du marché.
  2. qu’il soit dans la poche / le sac / la main du consommateur. Et ce n’est pas beaucoup plus simple.

Sur la partie paiement mobile, ajoutons qu’un grand nombre d’acteurs sont impliqués. Il y a d’abord le commerçant et sa banque, le client et sa banque, les sociétés de cartes bancaires. Il faut y rajouter les fabricants de mobiles, les fabricants d’OS sur lesquelles les applications de paiement doivent fonctionner. Et il ne faut pas oublier les solutions technologiques nombreuses nécessaires à la protection des données sensibles et en particulier le paiement. Plus la protection est importante, moins la fraude l’est mais plus le développement peut être complexe et cher.

Revenons au concept de réseau d’acceptation. Celui des cartes bancaires est de loin le plus important (après l’acceptation du cash) partout dans le monde. Ce sont les terminaux de paiement électroniques (TPE) que l’on voit partout dans les magasins. Pour accéder à ces TPE par carte sans contact et mobile, la technologie proposée par les industriels est le NFC, permettant des transactions simples et rapides sur des TPE bi-mode, avec et sans contact, en cours de mis à jour partout dans le monde. Il y a quelques autres solutions privatives en magasin à base de QRCode comme celles de Starbucks ou d’Auchan – FlashPay en France avec leurs avantages et leurs inconvénients. Un autre débat.

Ce long préambule était important pour expliquer le rachat de Softcard par Google. Aux US, jusqu’à fin 2014, deux acteurs proposés une solution de paiement par mobile sans contact en magasin (utilisant donc le réseau d’acceptation des cartes bancaires) : Google et son Google Wallet (une solution carte pré-payée avec un opérateur Sprint) et puis Softcard donc, associant les autres opérateurs telecom américains proposant une solution de paiement proche de celle qu’on trouve en France dans les principales banques (BNPParibas, Crédit Mutuel, CIC, la Banque Postale ou la Société Générale) en coopération avec les opérateurs télécom.

L’arrivée de l’iPhone 6 et de l’Apple Pay en septembre a dynamisé ce marché du paiement mobile de proximité. Ce lancement a également confirmé l’importance, même pour Apple, de travailler avec

  • LE réseau d’acceptation des cartes bancaires et
  • le NFC comme technologie d’échange entre les mobiles et le TPE.

Pour reprendre nos deux points de départ, Apple n’a pas son pareil pour mettre des produits et des services dans les mains de ses utilisateurs. Et Apple a choisi le réseau d’acceptation principal, celui des cartes bancaires en utilisant la technologie NFC. Tous les échanges entre TPE et iPhone 6 sont NFC et toutes ces solutions – Apple Pay, Softcard ou Google Wallet peuvent donc payer sur les millions de TPE sans contact partout dans le monde. Et qu’on regarde partout ailleurs, y compris dans la direction de Paypal, il n’y a pas d’autres solutions « universelles » (1) de paiement mobile en magasin que le paiement sans contact permis par la technologie NFC.

Apple s’est associée aux banques (et les cartes de paiement qu’elles commercialisent) pour lancer Apple Pay. Google, en intégrant Softcard, gagne non seulement des consommateurs ayant l’habitude de payer en sans contact, mais surtout, la possibilité de placer, chez tous les opérateurs américains son wallet comme solution par défaut.

LoopPay and Samsung

LoopPay and Samsung

Ce qui fait que si vous êtes sur iPhone 6, vous avez une solution de paiement avec votre carte de paiement dématérialisé sur votre mobile, et si vous êtes sur mobile Android, vous avez une solution, quelque soit votre opérateur avec le Google Wallet. Un partage pas forcément au gout de Samsung qui en rachetant LoopPay il y a quelques jours, a acquis une technologie qui, intégrée dans les mobiles de la marque, pourrait permettre de développer une troisième solution; pourrait car dans l’état actuel des connaissances, la solution LoopPay n’est pas compatible EMV et donc se couperait d’une grande partie des TPE de la planète hors US.

Tout cela pour répondre à la question posée dans le titre de ce post. Ce rachat de Softcard est une excellente initiative pour Google, qui utilisait déjà le réseau d’acceptation CB (point #1) mais qui avec ce rachat va se retrouver chez tous les principaux opérateurs mobiles US et donc chez leurs clients (Point #2), une base installée qui lui faisait défaut.

Les deux messages-clé envoyés par Apple avec Apple Pay et confirmés par Google en rachetant Softcard sont que :

  1. la façon la plus simple de payer avec un mobile est de simplement poser brièvement le mobile sur le TPE ou « tap » d’un geste volontaire, sans charger d’application et sans autre manipulation (2)
  2. le choix logique pour réaliser cette simplicité et cette rapidité est la technologie NFC.

Sans minimiser l’importance du choix de la solution technologique en terme de sécurité – HCE, embedded SE, SIM based, tokenisation, .., ce débat n’est plus réellement celui qui compte (hors des industriels concernés bien entendu). Toutes ces versions co-existeront probablement encore longtemps autour d’une infrastructure commune qui s’étendra par delà les commerces, dans le transport et dans la ville par exemple comme on le voit déjà dans les transports londoniens.

Enfin, il sera bien difficile à d’autres solutions d’exister (rappelez vous les articles sur le paiement par beacon qui allaient tout balayer, paiement qui a disparu même chez son instigateur Paypal). Pour cette dernière entreprise, il sera intéressant de voir les prochaines annonces sur le paiement mobile dans le monde du commerce physique. Un Wallet Paypal NFC ne serait pas compliqué à développer (il a même déjà été testé il y a quelques années), mais les accords sur le partage de la valeur, les fameuses commissions, seraient certainement plus complexes. Il reste également à voir se développer la solution de paiement Current C que les grandes chaines américaines regroupées dans l’association MCX souhaitent mettre au point pour alléger leur dépendance au système cartes bancaires actuel.

Rendez-vous au Mobile World Congress de Barcelone dès la semaine prochaine ou le 11 mars à la matinée Paiement mobile de l’ACSEL où nul doute que ce sujet et bien d’autres seront abordés et nous y serons !

A suivre

@PierreMétivier

Notes

  1. Mettons de côté les solutions QR Code de Starbucks, ou FlashPay d’Auchan, solutions possibles dans des environnements fermés mais que l’on peut guère qualifier d’universelle.
  2. Il est possible de rajouter une couche de biométrie (Apple Pay) mais ce n’est pas obligatoire.

Quelques articles sur ce sujet (y compris dans le blog)

Sigfox et le NFC – l’association de deux technologies de connectivité frugale pour un internet des objets sociétal

Lysbox - convergence du NFC et de Sigfox

Lysbox – convergence du NFC et de Sigfox

Comme nous l’avons souvent abordé dans ce blog, par delà les wearables et les objets connectés trop souvent simples gadgets pour hipsters (et la plupart d’entre nous, y compris votre serviteur, aimons ces gadgets), l’internet des objets porte la promesse d’impacts sociétaux importants. Citons par exemple les domaines de la santé ou de l’écologie.

La Lysbox en est un très bel exemple. Lancé par le Conseil Général du Loiret et désormais déployé à grande échelle, la Lysbox est un boitier autonome destiné aux bénéficiaires de l’APA, l’Allocation Personnalisée d’Autonomie – du Loiret. Le service permet de suivre les actions du personnel visitant les personnes à domicile, de confirmer leur passage par un simple geste avec une carte sans contact. La dispositif comporte également un bouton d’alerte. Une simple pression de ce bouton prévient automatiquement un contact programmé. La box contient différent capteurs dont un capteur de température, permettant de parer aux effets de la canicule. Trois portails sont disponibles pour la famille de la personne dépendante, pour les sociétés de services à la personne assurant les visites et pour le conseil régional lui-même.

Derrière ce service indispensable aux personnes dépendantes, deux technologies de connectivité aussi éloignées que proche dans tous les sens du terme ont été utilisées. D’un coté, la connectivité Sigfox de la société éponyme (qui vient d’annoncer cette semaine une levée de fonds record de 100 M€ ), capable d’envoyer sur de longues distances (record à 700 km) quelques octets pour un coût très réduit. Et de l’autre, le NFC qui permet une connectivité de proximité de quelques centimètres entre deux objets électroniques – en l’occurrence, une carte sans contact distribuée à chaque intervenant au domicile de la personne, et un lecteur NFC à la consommation très réduite intégrée à la Lysbox. Cette utilisation de deux technologies très économes en énergie permet de garantir à la box une autonomie de deux ans avec 2 piles AA sans autre alimentation.

Schéma fonctionnel (c) Degroupnews

Schéma fonctionnel (c) Degroupnews

Confié à la société ZBre, une société spécialisée dans le développement d’applis d’objets connectés B2B et B2B2C, moins d’un an a été nécessaire pour réaliser le développement et le déploiement de cette Lysbox, désormais installé dans 10000 foyers du Loiret pour des économies substantielles pour la collectivité, des services supplémentaires pour les bénéficiaires et leurs familles, et une efficacité renforcée.

Deux technologies complémentaires donc, l’une, le NFC, fonctionnant sur quelques centimètres et avec un seul des « devices » nécessitant une source d’énergie et de l’autre Sigfox, une connectivité longue distance pour des messages courts (12 octets) et des coûts très nettement inférieurs aux autres solutions classiques sur le marché.

Ce sont donc deux technologies frugales, que ce soit en coût, en énergie, en bande passante qui ont été utilisées ; cette association ayant pour corollaire une conception et un déploiement simple et rapide, utile pour le plus grand nombre, typique de l’innovation frugale chère à Marc Giget, pour une autre vision de l’internet des objets.

Lysbox, une autre idée de l'internet des objets

Lysbox, une autre idée de l’internet des objets

Nul doute que d’autres services de ce type, alliant la technologie Sigfox et le NFC, typique d’un internet des objets sociétal, au service de tous, verront le jour dans un futur proche. Une dizaine de conseils généraux est intéressée pour déployer ce service.

A suivre … dès le mois prochain au Mobile World Congress où ZBRE sera présent sur le stand Sigfox et présentera de nouveaux objets connectés B2B2C. Nous y serons également.

Pierre Métivier

Pour aller plus loin

Ceinture, biberon et lunettes connectés au dixième Meetup Internet des objets de Paris

Meetup IOT Paris

Meetup IOT Paris

Déjà à sa dixième séance depuis sa création et la première en 2015, le toujours très actif Meetup IOT Paris a été consacré le 4 Février 2015 à trois objets connectés qui, pour diverses raisons, ont fait l’actualité récemment et en particulier au dernier CES de Las Vegas.

Bertrand Duplat, Belty

Bertrand Duplat, Belty

Premier intervenant, Bertrand Duplat, Emiota nous a présenté Belty, une ceinture connectée, qui a clairement le buzz à Las Vegas. « C’est, entre autres« , dixit Bertrand avec humour et modestie, « parce qu’il y avait beaucoup de montres et de bracelets et une seule ceinture« . A titre personnel, les comptes-rendus de cette ceinture connectée m’avaient un peu laissé sur ma faim #ofcourse. Je n’y voyais que le coté « encore un gadget inutile pour bobo » et puis Bertrand Duplat a expliqué l’idée de départ liée au au diabète, une maladie qu’il connait bien. La mesure des variations du tour de taille est un paramètre important d’où le développement initial de Belty qui, bien sûr, n’est pas réservé aux diabétiques. Autre anecdote – Bertrand Duplat n’aime pas les courbes ce qui est intéressant dans le contexte d’une ceinture 🙂 En fait il parle des courbes de suivi sur mobile ou PC que l’on trouve dans la plupart des objets connectés du marché. Le lecteur aura rectifié de lui-même. Un SDK et potentiellement des extensions physiques sont en préparation. La sortie est prévue pour Noël 2015 !

Jacques Lépine, Slow Control

Jacques Lépine, Slow Control

Deuxième intervenant, Jacques Lépine, Slow Control, nous a présenté le BabyGigl, un biberon connecté.  Jacques Lépine, c’est l’inventeur de l’HapiFork, première fourchette connectée, permettant d’améliorer ses habitudes alimentaires en prenant le temps de manger. Dans le cas du biberon, l’idée du produit vient d’une remarque de son épouse pendant qu’il donnait le biberon. Il allait trop vite et donc il y avait risque de renvoi de la part du bébé. Toujours cette notion de « prendre son temps », de Slow control. Tout comme Belty, le produit a été bien accueilli au CES de Las Vegas.  Concernant le CES, Jacques a été agréablement surpris par le nombre de professionnels de la santé qui visitent le show. Pour être précis, BabyGigle, c’est plutôt un porte-biberon, qui doit être adapté aux biberons du marché. Contrairement à d’autres objets connectés (on pense à la balance de Withings par exemple), le produit agit sur du comportement local et n’a pas de dimension « big data » / partage des données des consommateurs. Une campagne Indiegogo est à suivre et le lancement du produit est prévu en septembre 2015.

Kayvan Mirza, Optinvent

Kayvan Mirza, Optinvent

On finit par Kayvan Mirza, Optinvent, et ses ORA Smart Glasses  Optivent développe des produits dans un marché où le concurrent le plus connu est Google et ses Google Glass qui viennent de connaître un coup d’arrêt. Le plus dur dans les smart lunettes, c’est la technologie d’affichage et Optinvent dispose de 10 brevets sur le sujet. Le premier modèle, ORA-1, est plutôt un produit B2B avec de nombreux clients industriels. ORA-X, le prochain produit, sera destiné au marché grand public.

Kayvan Mirza ne voit personne avec des smart glasses entre autres parce que « No matter hard you try, it still screams Cyborg » d’où un choix audacieux de design – Montrer les lunettes en les intégrant dans un ensemble écouteurs / lunettes très visibles, ce qui permet également de résoudre les problèmes de batterie et de miniaturisation. C’est l’agence Elium Studio, déjà derrière la montre très réussie Withing Activity, qui est à la baguette de ce design de rupture pour des lunettes.

Une fois de plus, une très belle session du Meetup IOT Paris et merci aux organisateurs – Olivier Mevel et Marc Chareryon de l’Agence Enero et au Numa Paris d’accueillir cet événement.

A suivre

Pierre Métivier

  • Quelques images de la soirée sur Flickr

Meetup IOT Paris 10

Meetup IOT Paris 10